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ANTÉE

Ce jour là, et depuis, j’aurais pu cent fois mourir : il n’en serait rien advenu, que quelques larmes de mes parents, et le sucre continuerait à se vendre à raison de onze sous la livre. Fils de bourgeois égaré dans la littérature, je tiens le rôle de celui qui n’en joue aucun, et j’ai quelque raison à demander pourquoi j’existe : Ah ! Monsieur ! la vie d’un marchand de saucisses, voilà qui importe plus que l’existence d’un enfant.

Et encor ce jourd’hui que je me fais connaître de ces personnes peu sérieuses qui lisent les jeunes revues littéraires, si j’avalais ma fourchette, lorsque mes amis auraient pris la peine de faire imprimer les plus achevés de mes manuscrits, et qu’ils auraient soigneusement brûlé les innombrables notes, plans, ébauches, canevas de tragédies, romans, essais et autres fariboles qui me rendront célèbre si j’arrive à ma quarantième année, que resterait-il de moi : “ un jeune homme que ses amis ont surfait. ”

Et si je continue à pisser de l’encre, croyez vous que ça sera drôle de voir une collection de pieds-plats me lécher les bottes, comme l’on fait à ce Barrès. Merci ! je crains le ridicule.

Vanitas vanitatum, répétait le jeune Thomas sous le péristyle de Lyon-Perrache.