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LE VOYAGE À ORANGE
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rares ceux qui restent avec une pensée toujours sur le devant de leur œil et le respect de leur œuvre.

Pour ma part je me sens tout à fait capable de discuter pendant deux ou trois jours de file sur l’état présent de la littérature, ou la sottise des religions ; mais que l'on m’apporte un petit vin de Beaune, et me voilà disciple de Béranger, calembouriste et bon garçon. Suis-je sot, écervelé ou hypocrite ? Mais qui donc le saura, pour me le dire.

Interlude (1) : LYON.

Il y a dans Dingley, cet excellent roman des frères Tharaud, une phrase qui m’est venue en mémoire du temps que je faisais quelques pas devant la gare de Lyon. “ C’est une petite chose, et qui ne bouleverse rien, dans le monde, la mort d’un petit garçon...” Ah oui ! combien petite ! Je me suis arrêté à Lyon un jour d’hiver, avec mon père. Je devais avoir dix ans, et lorsque je sortais des sentiers établis par les balayeurs j’enfonçais jusqu’au genou dans une neige un peu crouteuse.


(1) Je ne sais ce que veut dire ce mot, mais j’ai remarqué que des gens très forts le mettent dans leurs livres. C’est pourquoi je le pose ici, pour honorer Antée.