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LE VOYAGE À ORANGE
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MOI, un garçon qui regarde.

Premier tableau : L’ORAGE.

Le train qui courait dans la nuit, semblait enfoncé dans ces terres où ne souffle que le vent des enfers. Un manteau nous pesait aux épaules.

Comme nous traversions un bois des nappes de feu blanc bondirent à travers le silence, qui bientôt multipliées semblaient le pétillement continu d’un brasier titanique et lointain. Bulles de savon s’effaçant dans la nuit, elles étaient de soudaines vapeurs, qui gonflent, éclatent et dis­paraissent sans raison.

Serrés dans le couloir du wagon, et collés aux carreaux, nous regardions, stupides, ce théâtre où nous n’agissions point. L’intensité des éclairs devint telle que nous apercevions par moment le vert des champs, le crépit des maisons et les mille détails qui font une chose vivante du grand voile de couleurs étendu sur la terre.

L’un de nous disait : Quelle toile de fond. (Ah ! le métier ne nous quitte guère, une fois qu’il nous tient).

Et comme je suis assez facilement une manière de sauvage, puéril et sans raison, je nous voyais, lançés par une aveugle main à travers les espaces