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LA VENDANGEUSE
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rythme, succession d’équilibres : chacun contient en lui une force oscillante qui le détruit et le recrée, désir, inquiétude, qui rompent l’équilibre de la joie, mais pour en recomposer un autre. La volupté de l’équilibre s’exalte surtout dans “Rythme” * : les moindres éléments de la composition s’efforcent vers la femme qui en est la figure centrale, le groupe du premier plan, les arbres, la lumière, tout s’exalte, unanime, vers la danseuse, parce que tout sait qu’en ses mouvements vont reparaître unifiés, équilibrés, les éléments de leur joie propre ; là comme dans l’Automne, comme dans Jeux d’Été, dans Jeunesse, chaque forme médite, et élabore silencieusement son devenir : joie de s’écouter vivre, joie d’entendre le sang bourdonner dans ses tempes et sentir ses pensées éclore comme des grappes nées de cette sève humaine :

....Ainsi quand des raisins j’ai sucé la clarté,
Pour bannir un regret par ma feinte écarté,
Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide....


mais qui de nous est le faune capable d’épuiser cette grappe, elle se multiplie à nos yeux et nos lèvres inapaisées n’en peuvent jamais goûter tout entière la souhaitable volupté.


  • Fait aujourd’hui partie de la collection Manzi.