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ANTÉE

Lentement, lentement se déroulait la plaine
Sous le ciel pacifique où parfois frémissaient,
Aux souffles de la brise et des amers genêts,
Des lambeaux d’or parmi l’amas des grises laines.

Et puis ce furent, aux flancs d’un val, des prés d’opale
Où des bouquets d’arbres joufflus et titubants
Riaient sur l’herbe rase, à voir en double rang,
Leurs frères défiler, graves, sur le ciel pâle.

Vers des hameaux, vers des clochers, vers des toits roux,
Des sentiers blancs lançaient leur geste cavalier
De mousquetaire ôtant son feutre empanaché.
Au ciel des gazons verts, les pâtres à genoux

Obstinés, ravivaient de leur souffle, les feux,
Leur humble flamme d’or ; des fillettes dansaient
En ronde, auprès de la chèvre qui gambadait.
Et l’angelus tintait vers le couchant pieux.

Comme je t’appelai, ma pauvre bien-aimée,
Comme ton nom tremblait aux lèvres ingénues
De ton enfant qu’avait baptisé dans la nue,
Le calme et la douceur de la chaste vallée...

Louis Piérard.