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ANTÉE


TRISTESSES.


J’ai toujours été triste ainsi, depuis des temps,
De choses qu’on ne sait au juste et que, pourtant,
On sent traîner en soi de l’aube au crépuscule..
Mon enfance en eut un air grave et désolé
Dans la douceur provinciale où je l’évoque..
Ce furent des ennuis aux cloches des dimanches
Hebdomadairement, et, dans le soir tombant,
Tout cela sanglotait en moi confusément ;
C’était comme la pluie de ces matinées vertes
Qu’on entend de la chambre aux persiennes fermées..
C’était, parfois, comme un clair de lune immobile.. !
... Mon enfance, tu sus le calme des demeures
Et tu restas, le front aux vitres, bien souvent,
À rêvasser pendant des heures et des heures
Avec tes yeux battus de trop d’énervement.
— Aussi, d’autres tristesses sont en moi.
Tant que tu leur souris elles restent tranquilles,
Mais elles pleureront lorsque tu t’en iras.
Tu sais qu’elles sont là, au coin bleu de mon cœur,
Avec l’air adouci qu’ont les petites filles
Quand leurs cheveux aux soirs de juillet sont défaits.
Il y a la fraîcheur qu’ont les fleurs arrosées
Sur mon cœur où sont mes tristesses reposées :
Cela fait que je suis comme un jardin paisible
Aux six heures sonores de bruits éclos en elles,