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ANTÉE

qu'elles sont prêtes, l’instant d’après, à se contredire avec un zèle pareil.

Ils s’étaient entretenus longtemps ; lui, sceptique par raison, un peu meurtri encore d’un trop récent échec où il avait montré sans prudence son grand niais de cœur. Il savait combien est amer le baiser curieux qu’une femme a donné sans amour.

— Oui, disait-elle ; parfois c’est à pleurer ! On croit être d’accord, on a répandu entre soi la clarté ; et pourtant un “ mur d’ombre ” demeure, et les âmes ne peuvent se toucher....

— Heureusement, chère amie ! L’une dévorerait l’autre.

— Laissez donc cette sorte d’esprit ! Je parle sérieusement, de deux âmes qui se cherchent, qui veulent se pénétrer, — découvrir l’une ou l’autre des motifs de force. Elles se rapprochent, mais ne se voient jamais.... Et ce n’est pas leur faute : nos pensées sont de la lumière, mais les mots font ombre sur elles.

— Ils les revêtent, s’écria-t-il, et c’est un grand bienfait ! Toutes habillées de mots, grâce à Dieu nos pensées peuvent se mettre à la mode, renou­veler leur aspect, se rajeunir aussi. À défaut de cette parure on les daterait bientôt : “ Toi ; tu