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ÉLOGE DU SOMMEIL.


 
Bel Empereur des minuits glacés ou fiévreux,
À tes mains fraîches mises sur des fronts en feu
Je dédie ici l’hymne d’un cœur dévotieux.

Passant léger et furtif des nuits d’insomnie,
Sommeil, pâle consolateur des agonies
Où ta muette venue délivre et délie !

Des cloches affolées sonnent dans notre tête
Et le cerveau éclate en grondante tempête,
Mer de l’insomnie qui dresse en nous ses crêtes !
 
Les vagues des minuits bondissent aux falaises
Du crâne en démence alourdi de poix, de glaise
Et où les nuits se traînent lourdes et épaisses !
 
Désespoirs navrés qui battent les oreillers,
Griffes du fer dur du chagrin au cœur crispé,
Vaste sanglot du monde toujours répété !

Minuits rouges des assassins, minuits d’ennui,
Minuits des chambres d’hôtel où se vend l’oubli,
Minuits désespérés et sanglotants ! Minuits !