Clairs de lune qui coulent comme un fleuve
de jasmins dans les bois où dorment les dieux
antiques, roses éparpillées de l’aube qui se fondent
sur les glaciers, nuits de fêtes, aurores boréales
au-delà des banquises qui s’illuminent, lueurs
foudroyant les sommets, vie de plénitude et
d’orgueil !… Non, cet univers m’est fermé. La
grille infranchissable qui m’en sépare est un corps
allongé sur le sol, flexible, onduleux, magnifique,
et dont la petite tête impérieuse fixe sur moi des
yeux insensibles et clairs, qui perdent leurs
rêves comme un cristal fêlé perd son eau.
Il ne me reste que la rue monotone où tous
les jours je passe, le seuil trop usé, l’escalier
tournant, la chambre aux meubles banals et sans
passé, il ne me reste que l’odeur du tabac et
de l’alcool, les visions qui enfièvrent et celles qui
dépriment, la taverne où l’on s’enivre et la fumerie
qui console de tout…
La pluie, au-dehors, sonne sans fin, sonne et pleure contre les vitres. Une pâleur verdâtre se glisse et rampe… Malédiction ! C’est le serpent cauteleux du jour, avec ses dents empoisonnées ! Il va nous mordre l’un après l’autre. À celui-ci,