Ah qu’il y ait des cieux ou l’amour soit harmonie
et non division, qu’il y ait eu, depuis l’aube
des siècles, un couple, un seul, qui ait été vraiment
un, dans la vie et dans la mort ! Mais c’est
exiger que la neige flambe comme une flamme et
que le misérable gecko des murailles s’envole
comme un papillon. Ni les tourments de la
luxure, ni les rages de la passion, ni les confiances
de l’amitié, ni les abandons de la tendresse ne
donnent ce qu’il est défendu de donner.
Dans quelques heures, je la retrouverai, la femme que je fuis ici. Elle m’apparaîtra, souriante, parfumée, émergeant, dans le sombre escalier tournant, de toute une vie que j’ignore, que j’ignorerai toujours. Elle sera gaie ou mélancolique, indifférente ou amicale, ardente ou lassée. Mais ni sur sa bouche qui brûle et qui s’ouvre sous mes lèvres comme un calice d’amertume et comme un abîme vertigineux, ni contre sa chair lisse, douce, glissante, ni dans ses cheveux aérés et tout imprégnés d’odeurs, ni au milieu des renversements et des brasiers de la folie, je ne sentirai qu’elle vient à moi, elle toute, celle que je désire et qui ne sera jamais à moi, ni à personne, et qui n’est peut-être même pas à elle