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ANTÉE

un vieux Bouddha tutélaire veille sur ma veille… Ici, l’ennui n’entre pas…

Ni l’ennui, ni la jalousie, ni le regret. On les laisse, au porte-manteau, avec ces hideux vête­ments d’Occidental, que remplace un souple kimono brodé de fleurs. À l’aube, je sais que tout cela, je le rendosserai en hâte, avec l’odeur du tabac et de l’alcool, avec les visions qui dépriment et les visions qui enfièvrent, avec la passion qui ronge le cœur.

Jamais elle n’entrera ici la femme redoutable que je fuis sur ces nattes légères. Qu’ailleurs, elle soit souple et nonchalante, qu’ailleurs, elle balance ses hanches et rie et qu’elle soit cruelle comme une chatte, coquette comme une fleur et froide comme la brillante du Cygne, c’est bien, mais en ce lieu, c’est moi qui ris, c’est moi qui suis fort… Cette chambre si petite et bien close est mon empire. Je ferme la porte à l’amour.

Il n’y a que la luxure qui entre, mais une luxure indifférente, qui n’a plus de puissance et plus de valeur, il n’y a d’autre ivresse que la fumée noire, d’autres tendresses que celles que la bonne drogue