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ANTÉE

chaque jour bien rempli, voir les moines et les bacheliers flairer, devant les hautes broches, le jus des volailles, le fumet des rôts et cette suave odeur des dindons truffés qui te rappelait le séjour du Mans, ta patrie. Au milieu des oyers, cossonniers, regrattiers et de toutes les petites gens assemblées aux coins des carrefours, sous les porches des chapelles et les fours des marchands, tu passais portant ton cœur dans ta poitrine et ta main ne cessait point de caresser, en rêve, l’épaule ronde de Diane et les longues cuisses tendues comme des arcs d’amour des dames de ton œuvre...

Un peu plus tard tu vins loger à l’hôtel de Nesles, près la tour fameuse. En ce temps le beau pont d’Henri IV n’était pas construit et, d ’une rive à l’autre, on allait par le bac. Mais la batel­lerie, active et nombreuse, le mouvement des chevaux, l’allure des cavaliers, le chant des belles filles te tenaient attentif. De ta fenêtre ouverte tu pouvais aisément admirer le vieux Louvre, les royaux cortèges et, dans une gloire de casques, de piques et d’étendards contempler les Valois rêveurs et voluptueux portant, sur la cime des fraises godronnées, leurs têtes aux yeux peints, aux lèvres