Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294



GERMAIN PILON.



Je te vois, mon vieux maître. Tu te tiens devant moi avec ta coquette toque inclinée sur l’oreille ; tu es vêtu de ton pourpoint de drap ; ton maintien est modeste et tu portes dignement ton ciseau à la main.

Je vois, dans tes yeux, passer ton rêve. Il est pareil à la ronde suave et légère qu’a sculptée le vieux Grec autour d’un vase et où se voient unis les dieux et les nymphes.

Je te vois, mon vieux maître. Tu es sur une estampe du temps d’Henri II. Tu as une petite collerette, mais tes habits sont simples comme ceux d’un bon artisan. Tu portes une fine barbe comme les hommes de Clouet ; tes regards sont graves et la noblesse des traits de ton beau visage trahit la douceur de ton art voluptueux.

Les corps nerveux des femmes tu en sais les belles lignes, ô mon maître ! Tu peux, d’une main d’amant, sur leurs reins souples, draper les étoffes. Nul n’a su, en ton temps, pas même Jean Goujon, exprimer aussi bien ces sveltes et longues tailles