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ANTÉE

Il faut savourer le charme tandis que les chevaux de bois sont encore paralysés, tandis que le jardin est tout à ses amis, à ses familiers. Le rentier bedonnant lit son journal à petits pas ; un rapin, accroupi sur les marches, non loin du bassin, crayonne une esquisse, près d’un camarade en velours qui pommade béatement un essai de chef-d’œuvre.

Un inspiré, les cheveux au vent et la cravate flamboyante, un membre de l’Élite, s’absorbe, quintessencie le panphénoménalisme et paisiblement s’évade de l’arbre de la raison.

Deux ouvrières, qui ont du vague à l’âme, par ce temps soyeux, regardent et commentent le chapelet des masques glorieux que domine Victor Hugo.

Un caniche présomptueux se prélasse d’autorité et sans orgueil dans l’espace “ réservé au jeu de paume.”

Dans le jardin, où se glânent le songe et la fantaisie, sous les arbres à abstractions, devant ces plates-bandes où se cueillent des rimes et où fleurissent des strophes, une jeune femme rêve aussi ou à des chefs-d’œuvre à longue échéance ou aux imprévoyances de l’amour ; et la tendre inspirée, la pensée amusée, va, lente, à travers ce paysage