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ANTÉE

À cet instant de fraîcheur matinale, le jardin garde une intimité souriante ; il demeure auguste, reposé, réfléchi, — à côté du grondement farouche de Paris et devant l’architecture sénatoriale et la grisaille officielle du palais. La solennité des allées est accueillante dans l’harmonie des clartés. Le gazouillis des oiseaux a des franchises de souverain régnant. Le vieux garde, qui semble avoir conquis ses galons dans une chanson de Nadaud, promène supérieurement, au milieu des statues, des façons de pacha. Et rien ne trouble les jolis dessins d’ombre qui tapissent l’avenue majestueuse montant à l’Observatoire.

De l’autre côté, le lignard, dont la faction oscille devant le monument d’Eugène Delacroix, a le pas distrait : sa pensée est au “ patelin ”. Et les trois coureurs, — qui constituent un triple T dans un champ d’étiquetage botanique, — paraissent, invigorés, prendre un nouvel élan.

Le calme est étendu, tendre, affable, bienfaisant.

Alors, une impression de fleurs et de lettres mêlées s’épanouit, quand on se remémore tout ce qui s’est promené par ici de rêves et de gloires jeunes. Tant de cerveaux dominateurs qui, plus tard, orientèrent l’Histoire et l’Art, trouvèrent ici leurs premières et incertaines visions, en ce