Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
ANTÉE

devais un jour haïr ; hais comme si tu devais un jour aimer. ” Dans sa vie Bacon considéra l’amitié comme un moyen de parvenir ; il n’hésita pas à appuyer publiquement le réquisitoire qui valut à son ami et protecteur, le comte d’Essex, la peine de mort. Ce “ dédain de la morale vulgaire, au dessus de laquelle il considérait qu’un philosophe avait le droit de s’élever ” lui fut inspiré par le désir de rentrer en grâce auprès de la souveraine “ dont la faveur ”, dit M. Thomas, “ devait lui permettre de servir les intérêts de la science en même temps que les siens propres. ”

Il ressort de la façon dont Bacon entendait l’amitié qu’il n’a pu être, comme on l’a prétendu, l’auteur des œuvres de Shakespeare. On sait avec quelle passion cette thèse, sur laquelle on a déjà écrit de quoi remplir une bibliothèque, a été défendue. L’acharnement singulier de ses défen­seurs s’explique par le fait que sa confirmation reculerait considérablement “ les bornes ” de l’esprit humain. Mais M. Thomas ne dit mot de la thèse qui suscita de nombreux partisans il y a quelques années, et d’après laquelle ce ne serait pas Bacon qui aurait écrit les œuvres de Shakespeare, mais Shakespeare qui aurait écrit celles de Bacon. S’il faut en croire M. Téodor de Wyzewa,