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ANTÉE

l’histoire de l’homme. Jamais le poète ne sentit si parfaitement son inutilité (au sens héroïque de ce mot), son sacrifice et sa solitude. Jamais non plus la poésie ne fut si admirablement dépouillée des “ qualités ” qui lui sont contraires : logique extérieure, abstraction, caractère mécanique du mouvement et de la pensée, prosaïsme, imperson­nalité, vue conventionnelle du monde. Jamais, enfin, le lyrisme n’approcha si près de l’intuition directe du monde spirituel.

Le livre de M. de Souza est plein des plus rares qualités de conviction, d’acharnement et tout ensemble de précision et d’analyse. L’auteur apparaît comme une sorte de Père de l’Église aussi attentif à réduire en poussière toutes les objections qu’ardent à célébrer son culte. Par l’intime union de l’esprit d’analyse et de l’esprit d’enthousiasme, comme par l’insistance singulière qu’il met à triompher, ce livre nous donne une réelle impression de beauté intellectuelle.

Nous détachons des “ principes moraux ” du symbolisme (p. 96) cette image : “ Création d’art est communication, mais par des âmes isolées ; d’une âme en une âme suffit, avec un pont de siècles, au besoin.” N’est-ce pas là ce que nous avons défini ailleurs “ la gloire secrète” ? Mais par