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JOURNAL DES LIVRES
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ce fils, nature sympathique, franche, pour qui il s’éprend immédiatement d’une chaude affection. Mais en même temps il conçoit des doutes sur sa paternité : l’enfant ressemble beaucoup à Germain, un ami d’un caractère très noble, mort depuis nombre d’années. Ces soupçons sont bientôt confirmés et l’affection paternelle de Cyrille, qui n’a pas diminué, se réjouit que l’enfant ait échappé à de déplorables atavismes. Il pardonne sincèrement à sa femme mais regrette qu’elle ait chassé Germain, qui demeure l’ami idéal. La femme, dont la vie a été empoisonnée par le remords, devine que le mari l’avait, sans se le formuler à soi-même, spontanément donnée à Germain. Elle a donc sacrifié sa vie pour rien et se sent tuée par un pardon qui brise en elle toutes ses notions morales, toute son adaptation au tabou ancestral.

Je n’ai point tenté de donner idée, par ce résumé, de l’intérêt et de la portée de l’œuvre toute vivante de M. Schlumberger. Que je n’omette point cependant de louer en elle, outre une psychologie aussi pénétrante qu’exacte et un heureux réalisme dans le dialogue, un art remar­quable dans la composition, par quoi cette œuvre nous offre beaucoup d’objectivité et d’intéressants effets de lumière. Comme dans les romans russes