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JOURNAL DES LIVRES
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Blotti contre la terre humble et délicieuse,
Dormira sur le cœur des femmes amoureuses.

C’est là le nid étroit plus mouvant que la mer
Où, quand les soirs d’été s’inquiètent les colombes,
Le soleil délicat ferme ses yeux déserts,
Puérilement fixes, et doux comme une tombe
Où se couchent soudain toutes les joies du monde.

Il palpite puis rêve au cœur chaud de leur âme,
Épervier d’or venu des cieux égyptiens,
Sa tiédeur est toujours celle de Cléopâtre
Qui mourut caressant son cou de ses deux mains :
Il garde dans ses plumes son immense parfum.

Dans leur songe flottant où la nuit se balance
Toutes les amoureuses, comme des fleurs de miel.
Reçoivent dans un nid de terre et de silence,
Le grand épervier d’or qui formait tout le ciel
Et dont l’aile pliée opprime leur sommeil.

C’est dans ce lit étroit, chagrin comme la mer,
Chaque soir, chaque soir, quand l’été brûle et fume,
C’est là que vient dormir le grand soleil désert
Comme un oiseau farouche qui couve sous ses plumes.
Tous les rêves profonds des filles de la Terre.


BLANCHE ROUSSEAU.