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ANTÉE

qu’on les croirait échappés du crayon d’un dessinateur Japonais :

La mauve rose et blanche et le pois de senteur
Ont la forme allégée et frêle du bonheur.

Rien n’a de poids dans l’air où l’été bleu miroite
jusque sur l’aile noire de l’hirondelle étroite.

Et la rose n’est plus qu’un parfum rose et rond
Qui remplit le jardin, le mur et l’horizon.

Le ciel pâle et vermeil comme une perle vide,
Du côté du soleil seulement semble vivre ;
 
Et dans la mauve rose et le pois de senteur
L’air transparaît et coule jusqu’au bord de la fleur.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

On se demande par quel prodige une littérature si dénuée de sensualité peut être si vivante et si chaude, si enveloppée et si humide ?... Comment, sans qu’on perçoive jamais la brutalité d’un élan, l’inspiration peut s’élever jusqu’aux sommets brûlants où je situe cet incomparable poème.


Dans la chaleur muette le ciel lisse ses plumes
Comme un grand épervier aux ailes floconneuses ;
Mais, ce soir, l’oiseau d’or entravé dans les brumes,