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JOURNAL DES LIVRES
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ajouter son éclat à un agencement de nuances aussi nombreuses et groupées que les pétales d’un ciel au crépuscule. Moins d’êtres qu’on ne l’imagine voient la beauté du ciel.



Je te donnerai l’ange du crépuscule doux
Dont je tenais les ailes et dont je suis jaloux


Et l’ombre si secrète soulignant sa paupière
Quand il songe tout bas aux sources du désert.


De tels vers sont d’une aristocratie d’inspiration qu’à là seule exception de Fernand Séverin aucun autre de nos poètes n’a atteinte. Je pense que c’est peut-être là le don le plus parfait et le plus émouvant de Jean Dominique. N’est-ce point encore une sorte d’aristocratie, de l’esprit ou du sentiment, que cette faculté d’exprimer je dirais presque l’inexprimable, l’essence, le rayonnement, ce qu’il y a d’aérien, de fluide et d’exalté dans un beau jour d’été et dans une âme, les insaisissables atomes qui, rassemblés et confondus, font le mystère de l’émotion et l’âme errante de l’atmosphère ? Ceci est apparent surtout dans les poèmes de nature où l’abondance de l’air, l’espace avec un ou deux mouvements font toute la vie, et d’un tracé si délicat, si svelte et si glissant