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ANTÉE

qui joue avec les mots comme avec des soupirs, des nuages et des fleurs, est un spectacle sans intérêt ni signification. Ce recueil de poèmes n’est donc pas fait pour plaire à un grand nombre mais pour être adoré de quelques-uns et, j’ose en être certaine, estimé de tous les artistes.

Une imagination aérienne... une imagination toujours planante, toujours suspendue, toujours plus près du ciel que de la terre, immatérielle et comparable à un bain de cristal à travers quoi la matière même apparaît quelquefois intangible et impondérable, telle est l’atmosphère de cet art singulièrement subtil, et d’une subtilité qui déconcerte tant on la sent involontaire, intégrante à l’instinct du poète comme les ailes sont à l’oiseau... Pour qui lit avec attention et intelli­gence ces poèmes émerveillent, et précisément par les dons qu’un lecteur plus superficiel déclarera ne pas y trouver : ardeur à vivre, abondance d’imagination, profusion de couleurs, de lignes délicates... Et partout, et toujours, une originalité d’une distinction singulière, d’une saveur discrète et pénétrante qui laisse à la mémoire un souvenir sensible tout embaumé d’intelligence. La qualité même de ces richesses fait qu’elles sont mortes à la plupart : ici nulle dorure ne vient