Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
ANTÉE

Et dans l’enivrement où plongeait la matière,
On accordait la vie à la nature entière !
Mêlés aux éléments, sublimes, agrandis,
Les hommes possédaient alors ce Paradis
Que ton Christ, à présent, ne peut plus que promettre !

Cette suite de formules bien frappées nous transportait hors de notre existence habituelle, et nous n’étions plus que des amants passionnés cherchant de belles choses pour les aimer de tout notre désir :

Devant les Muses étonnées, Apollon gravissait lentement les degrés qui le menaient au gouffre ; et il disait la résignation au destin plus fort que les divinités, doctrine qui fait le panthéisme superbe des religions antiques :

Rentrons dans la vaste nature
D’où nous sommes sortis ! Que la pierre, le bois,

Reprennent votre corps, vos cheveux, votre voix !
Que l’eau soit votre sang ! Parlez dans les grands arbres !
Courbez vos bras selon les artères des marbres !
Jaillissez en rosée, en feuillages, en fleurs !
Dispersez-vous dans tout !

Et le soleil qui, dans ce moment, vînt recouvrir le dieu d’un voile de lumière, entendit un hymne triomphal à l’éternelle poésie :