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DIEU À PARIS
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sacrifice au divin, et nous rentrâmes disposés à bien entendre la finale du drame.

Elle fut magnifique, et, oubliant toutes raisons de famille, je me laissai aller à des applaudissements nombreux lorsque l’acteur qui tenait le rôle d’Apollon (il se nomme Darmont, et il est beau comme l’archange Saint Michel) adressa à Madeleine qui voulait le convertir ce discours éclatant :

Femme ! Je suis un Dieu !
Bien plus grand que ton Christ, j’ai gouverné le monde !

Car, dans le cours des temps, sa place est la seconde !
Comme après la lumière accourt la triste nuit,
Ainsi le Christ s’avance et triomphe aujourd’hui !
Lorsque tout était jeune et que dans la nature,
Librement, fortement, vivait la créature,
Quand la vigueur, l’ardeur, la joie et la santé
Fleurissaient sous le ciel et parmi la clarté,
Lorsque tout était pur, naïf, et que la terre
S’offrait à ses enfants sans voile et sans mystère,
Lorsque tout était beau, les esprits et les corps,
Les Dieux et les humains, je rayonnais alors !
Personne, en ce temps là, ne faisait de la vie
Une route d’horreur péniblement suivie !
Elle était le seul bien, le trésor éclatant
Que l’on voyait briller aux yeux de chaque instant,