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LES ARTS ET LA VIE
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nous ont tous émus, atrocement, à la fois dans notre égoïsme, qui nous imaginait dans ce naufrage, et dans le meilleur de notre altruisme. Ô la minute où l’on voit la mort inévitable, parmi les eaux blêmes, loin de tous ! — Le capitaine Fourcault qui s’en fut si stoïquement — c’était d’ailleurs un triste, un désabusé — souffrit sans doute peu. Il était comme un, sur qui on braque un revolver, qui dit : « Je m’en moque, » et qui est frappé au moment même où il ricane au destin. L’aumonier de même. Celui-ci pensa : Mon devoir est ici. Il périt drapé dans cette pensée, noblement mais sans souffrance. Mais ces jeunes gens qui ne voulaient pas mourir ! Ceux qui virent les autres, sauvés, dans le canot. Ceux se débattant en vain dans le grand remous, et que l’eau étouffa. Ce petit Moutarde qui saute mal, se brise les jambes sur le bord du canot, coule à pic… Et ce beau Van Zuylen, homme fort et joyeux… Il cède sa place, « aux petits » comme il disait, il se confie à une bouée, — et les flots l’« écrasent » !…

On méprise les pasticheurs, et on ne les mé­prisera jamais assez. Or c’est une façon de pastiche que de s’inspirer du passé. Je dis que c’est impuissance ou dépravation. Coucheriez vous avec la momie de Cléopâtre ?