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ÉLÉGIE.


 
Un certain soir, très triste et beau,
un certain soir où l’on eût dit que le soleil
effeuillait dans l’azur des pétales de roses,
où l’on eût dit que l’ombre, à pas très lents,
rôdait autour de nos rêves d’enfants,
où l’on eût dit que le silence s’approchait, furtif,
pour unir doucement nos lèvres
et clore tes paupières ;
ce certain soir, t’en souvient-il ?
tu t’endormis sur mon épaule.

C’était près de l’étang où les grands saules
miraient leurs chevelures bleues
dans l’eau qui se taisait
pour avoir aux roseaux murmuré trop d’aveux.
Le crépuscule aussi se regardait
mourir dans l’onde.
— Et dans tes yeux
avant que le silence et le sommeil
fussent venus, à pas très lents,
bercer tes songes,
il me sembla que le soleil
mit un rayon tremblant