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ANTÉE

Jamais on ne vit de plus attachante aventure que celle de ces deux peuples, également riches en héros, luttant sans fin, formidablement, dans quelles boues, parmi quelles montagnes, sous quels climats ! Et ces combats navaux ! (comme dit je sais plus qui). Et ce Rodjeveski, et ces artilleries formidables ! Et à Port-Arthur, cette prise et cette reprise, et cette surreprise de la colline de douze cents mètres ! Ces joyaux effrayants, qu’en tremblant le futur admirera, nous les avons entre nos doigts.

La catastrophe de Courrières fut peut-être encore plus belle — et parut plus cruelle. C’est que nous en connûmes les plus infimes détails, c’est que les ouvriers, multitude formidable marchant contre les privilégiés, forcent toutes les attentions, c’est qu’elle fut soudaine, compacte — un seul bouquet de flammes, un seul crime, et le plus infâme, étant donné ses victimes... ; c’est qu'elle fut la plus laide. Quand nous imaginons ces cortèges de veuves aux portes des bureaux de secours, quand nous voyons reproduits ces cadavres durcis et noirs...

Et notre naufrage national ? Notre fameux sabot ? Non, je n’ai pas envie de rire en l’évoquant. Les simples et tragiques récits des cadets