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AU FOND DES BOIS,
AU BORD DE L’EAU.


Les halliers agités ont des mots grandioses,
Au vent âpre de Février qui les émeut,
Mais seules les odeurs nous éclairent un peu,
Nous, les aveugles nés au seuil des portes closes,

Nous les sourds... Et je vais à tâtons vers les choses,
À travers la forêt en vertige qui souffre
Et jouit, respirant ces haleines de gouffre,
Où gisent les secrets et du but et des causes ;
 
À leurs souffles je tends mes inquiètes mains,
Elles s’en vont palpant je ne sais quelle errance,
Tout l’intangible amour en sa magnificence.

Échappé sans merci à nos gestes humains,
Que la vaine Apparence indiciblement lasse,
Refermés sur du vent ironique qui passe.


Le bois ne parait plus de cendre si amère,
La tristesse le fuit, qui l’aura tant rongé,
Et le brouillard moins sourd et ductile s’aère,
Traversé par instant de frissons orangés.