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ANTÉE

de Paris, et de Paris lui-même, ou dans celle d’une humanité de province, passionnée, dévouée rapace et médiocre, est le secret de leur intérêt. Ils ont trouvé dans le particulier, dans l’actuel, dans l’humain qui porte nos costumes et nos vices, de quoi charmer même ceux qui ne connais­sent rien des milieux qu’ils décrivent. Quand nous errons dans un musée de peinture ancienne, ce que les œuvres expriment qui nous est propre, ce qu’elles ont de commun avec nous, nous attire au moins autant que leur perfection. Plus le cri est humain, plus longtemps il retentira. Et en qui plus sûrement découvrir la chose humaine qu’en ceux que nous voyons chaque jour vivre l’intime de leur vie devant nous ?

Il y a quelques années à peine, si vous visitiez un littérateur, il se parait devant vous de son travail, il disait vivre pour son art, il eut été confus de paraître autre chose qu’un littérateur. Aujourd’hui le même n’a plus honte d’être un homme. Il est évidemment avant tout et irrémédiablement un littérateur. Et tant mieux : pourquoi demander à un cheval de labour de jouer au cheval de course ? Mais il ose être un homme, s’intéresser à ce à quoi les hommes s’intéressent, il a conscience que ses livres sont sa fin, non son