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SOLITUDE HEUREUSE
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tout, de voir une telle beauté unie à un tel calme. Aussi loin que s’étend la vue, une immobilité bienheureuse a saisi tous les êtres : rien ne bouge, rien ne semble vivre dans l’im­mense paysage, hormis l’immortelle lumière qui achève silencieusement sa révolution quotidienne en lui prêtant, avant de s’éteindre, cette beauté miraculeuse. Ravi comme le premier jour, l’étranger assiste sans pensée et sans désir à cette scène pacifique et majes­tueuse dont les éléments sont les seuls acteurs. À la longue la conscience même s’atténue en lui, sa personnalité semble devoir se perdre, absorbée par les choses... La monotonie de ces instants radieux, la douceur, la paix et en même temps la vivacité de l’air le plongent peu à peu dans une torpeur exquise, qui dure quelque temps, et dont il s’éveille pour s’étonner une fois de plus devant l’étendue lumineuse et solitaire.... L’aspect des choses n’a pas changé... Comme tantôt les innombrables feuilles des arbres sont immobiles dans l’air calme.... La même lumière édenique repose