Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
ANTÉE

idyllique et secrète. Vers le fond l’étranger discerne un champ, la haie d’un enclos, les arbres d’un petit jardin ; et la fumée bleue d’un foyer, qui s’élève toute droite dans le feuillage, le ramène malgré lui à l’humanité, qu’il avait volontiers oubliée ; mais l’humanité occupe en ces lieux si peu de place, elle apparaît sous une forme tellement innocente et naïve, que, loin de le déparer, elle complète ce site fait pour des scènes de l’âge d’or.

Le temps passe. Il y a des heures que l’étranger est assis dans le sentier désert d’où la vue s’étend au loin sur le pays. Il se dit qu’il est bon de contempler à loisir, pendant les calmes instants qui précèdent le crépuscule, un tel paysage. Il songe qu’il est plus salu­taire encore de revenir le contempler chaque jour au même moment, pendant des semaines et des mois et de s’offrir docilement aux influences de la nature. Toutes les choses étant également belles, il laisse errer ses yeux à l’aventure ; et il s’étonne ingénûment, dans son âme d’homme, inquiète et trouble malgré