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SOLITUDE HEUREUSE
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en versant, va se perdre dans la brume azurée de l’horizon. C’est une région paradisiaque, c’est le pays bleu dont les peintres primitifs, dans leurs fonds de tableaux, ont parfois reproduit l’atmosphère suave, sans rendre la majesté simple de ses ondulations. On songe qu’il doit faire bon vivre là-bas, parmi l’inno­cence des choses, dans la vierge clarté des sommets. Le rêveur qu’offense la vue des laideurs contemporaines et qui se souvient d’avoir vécu en Arcadie, repose les yeux avec délices sur ces réalités qui ressemblent si fort à son rêve.

Plus près de lui le paysage a d’adorables d’intimités. Le jour qui va déclinant allonge insensiblement l’ombre des collines ; c’est l’heure virgilienne.... Au fond de la grande vallée, que gagne le mystère du soir, se déroulent, entre l’orée des bois et la torrentueuse rivière, des prairies d’un vert profond dont un pan brille encore sous un dernier rayon doré. La sauvage beauté particulière à tout ce pays perdu s’y tempère d’une grâce