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AUTOMOBILE
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Entre ces longs talus de broussaille et de boue,
Tandis que se rebrousse un blé d’aube lavé,
Filons donc ! Et heurtons à ce rocher nos roues.
Heurtons-le, puis roulons, pantelants et crevés !...

Mais déjà le chemin se redresse et nous porte.
Nous ravis du plaisir de délivrer nos freins,
Nous montons dans un cri d’espérance plus forte
Vers des hérissements lumineux de terrains.

Ah ! délices ! Pouvoir enfin parmi des lignes
Régulières de carrés d’herbes et d’étangs
Sentir venir à soi sans que le regard cligne
Comme en chantant tous les courants calmes du temps !

Luzernes et gazons, comme l’on vous possède !
Comme à notre caprice on vous voit frissonner,
Vous, vaporeux coteau que scie une pinède
Et vous encore, volcans de laves couronnés !

Sans regret ni désir des choses disparues
Nous fuyons, bousculés par des bonds cahoteurs.
La mort court avec nous sur le pavé des rues.
Des anges vont pleurer dans les calmes hauteurs.
 
Mais que nous font à nous ces gestes de ténèbres,
Et les signes d’effroi de quelques vains limons !
Lequel peut nous toucher de leurs soupirs funèbres,
Quand ce rauque ouragan nous secoue aux poumons !...