Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180


AUTOMOBILE
à Mme Georgette Leblanc-Maeterlinck.


À nous les bois, la côte, et, tout trempés de mûres
Les taillis, et la pourpre en remous des labours,
La fondrière humide errant sous la ramure
Et les halages gras qui mènent vers les bourgs !...

— Du fond mouvant des horizons voici que viennent
Vers nous, comme à l’appel surhumain de nos cœurs,
Tous les chemins multipliés au long des plaines
Avec leurs palmes d’or et leurs chants de vigueur.
 
Et, désormais, narguant les chutes où chavirent
Tour à tour les poteaux fantastiques et blonds,
Les bosquets ravagés de guêpes en délire
Et les enclos multicolores, — nous allons !

Nous allons, saoûls de brise et d’écumes, d’arômes
De pétroles, de fleurs, de sables et d’airs surs,
Et la fièvre qui met des flammes à nos paumes
Nous précipite aux pics levés vers les azurs.

Mais la cîme soudain se renverse, — l’abîme
Se creuse et tourne empli de brumes fermentant.
Nous glissons dans l’angoisse âpre qui nous opprime,
Comme attirés par le jeu fou d’un sourd aimant.