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LES ARTS ET LA VIE
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la-semaine) où les gens de médiocre fortune exhibent, avec conviction, qui la redingote luisante ignorante du thermomètre, qui la “plus belle toilette” de la saison précé­dente, qui la petite robe blanche, au grand nœud clair, comme en avaient les cousines des femmes dont parle le poëte d'Orthez, qui enfin l’uniforme flambant, la bonne amie provinciale, des “ permissions ”... Nôtres ces seuils où, à plat-ventre, s’étalent de grands fainéants, sans veste ni gilet, sans col, sans souliers ni chaussettes. Et la mère suce un poisson séché. Et sur le trottoir, le père assis lit le Soir, les petites sœurs dansent à la corde. Et les petits frères jouent aux billes ou se battent dans le ruisseau. Les lourds camions passent. Les murs sont souillés. Dans l’air montent unies l’odeur des bières et la musique de l’orchestrion.. Notre, toute notre ville : rues vides et desséchées, rues grouillantes, suantes et buvantes, carrefours en liesse, tristes et beaux drapeaux tricolores immobiles. Pauvres chers frères, n’est ce pas qu’il n’existe rien, sinon paradis chimériques, pas dans nos cordes, par delà notre royaume, que bornent les bassins à régates, le Boulevard