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LES ARTS ET LA VIE
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plices se taisent et pouffent de rire, derrière des journaux, comme une seule rosse. Nous traversâmes le Détroit sur des vagues très balancées. Nous entendions crier la sirène enrouée. Nous regardions s’enfler les vastes écumes blanches et les gros bouillons noirs de la fumée fuir tragiquement sur l’immense ciel gris... Mais je ne vous raconterai pas cette petite balade... Il faudrait deux volu­mes, comme pour celle d’Ulysse. Peut-être l’écrirons-nous un jour en cinq chapitres, d’un desquels chacun des évadés se chargera. Roger, très londonien, dira Londres, nos achats, ces cents cabs, ces foules pauvres, ces parcs. Louis s’attendrira sur l’idylle d’Oxford. Ugène caressera, en souriant, la romantique Edimbourg et chantera ces horizons, ces fausses ruines, ces fifres et ces vestes rouges et ces jambes poilues des soldats du château, et les gueules des habitants qui sont bien les plus laids humains que l’on connaisse. Je me réserve Glascow noir, aux foules terrifiantes, au port dantesque — où sur les pelouses dor­maient les centaines d’ivrognes que nous vîmes la veille se saouler dans l’or rouge des bars — , ou dans les music-halls volaient fol-