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LES ARTS ET LA VIE
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cruelle aventure vécue aux colonies, s’il peignait en quelques mots la splendeur authentique d’une terre lointaine (dont le nom nous faisait pâmer) nous ne lui trouvions aucun intérêt. Aimeurs de mots, viveurs de livres, nous étions de pauvres enfants, qui eussent mieux fait de jouer à la balle, comme les jolies brutes de leur âge, que de s’étourdir dans les bibliothèques. Apprendre à lire, même à bien lire — chose facile. Apprendre à vivre est bien autrement difficile !.

Dur apprentissage d’ailleurs. Il ne suffit pas de se commander un jour d’abandonner l’ombre pour la proie. Ce serait encore littératurer. Je veux dire faire entrer quelques pages de son existence dans la reliure du bouquin d’un autre, qu’on vient de lire et qu’on admire. Qui n’a pas lotisé ses rêveries exotiques ? Ou mussetisé sa maîtresse ? On n’apprend à vivre qu’en vivant. Et ce n’est pas toujours gai. Ah ! goût du bonheur, c’est au fond du malheur que nous t’avons trouvé... Être soi, bellement soi, vivre sa vie selon soi même, avec l’aide et parmi la beauté de tout : nous savons bien que c’est la vérité... On ne l’atteint malheureusement pas en un jour !