Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
JOURNAL DES REVUES
159

Le même soir, j’assistai précisément à un dîner de gala chez le prince de Metternich. Encore tout bouleversé de cette visite, de ce lugubre un infelice qui m’était resté dans l’oreille, je ne pus, je l’avoue me défendre intérieurement d’un sentiment de confusion de me voir par comparaison traité avec tant d’égards, dans cette brillante assemblée de Vienne ; ce qui m’amena à dire hautement et sans ménagement tout ce que je pensais de la conduite de la Cour et de l’aristocratie vis-à-vis du plus grand génie de l’époque, dont on se souciait si peu et qu’on abandonnait en une pareille détresse... J’ajoutai que ce serait si facile, moyennant un engagement de souscriptions très minimes si toutes les familles riches intervenaient, de lui assurer une rente assez large pour le mettre sa vie durant à l’abri de tout besoin. Cette proposition n’obtint l’appui de personne.

...N ’ayant pas réussi dans mes tentatives pour créer une rente annuelle à Beethoven, je ne perdis pas toutefois courage. Je voulus essayer de réunir les fonds nécessaires afin de lui acheter une habitation. Je parvins à obtenir quelques promesses de souscrip­tions ; mais en y ajoutant la mienne, le résultat final fut très médiocre. Il fallait aussi abandonner ce second projet. On me répondit généralement : “ Vous connaissez peu Beethoven. Le lendemain du jour où il sera propriétaire d’une maison il la revendra. Il ne saura jamais s’accommoder d’une demeure fixe,