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ANTÉE

l’écho retentira au sein même de la déroute des siècles ?

LA REVUE GÉNÉRALE (avril) publie des souvenirs de Rossini sur Beethoven :

En montant l’escalier qui menait au pauvre logis où vivait le grand maître, j’eus quelque peine à maîtriser mon émotion. Lorsque la porte s’ouvrit, je me trouvai dans une sorte de réduit aussi sale qu’il témoignait d’un désordre effroyable. Je me rappelle surtout que le plafond, immédiatement sous le toit, était lézardé de larges crevasses par où la pluie devait pénétrer à flots.

Les portraits que nous connaissons de Beethoven rendent assez bien la physionomie d’ensemble. Mais ce qu’aucun burin ne saurait exprimer, c’est la tristesse indéfinissable répandue en tous ses traits, tandis que, sous d’épais sourcils, brillaient, comme au fond des cavernes, des yeux qui, quoique petits, semblaient vous percer.

Je lui dis toute mon admiration pour son génie... Il me répondit par un profond soupir et par ce seul mot : “Oh ! un infelice !

...En descendant cet escalier délabré, je ressentis de ma visite à ce grand homme une impression tellement pénible — songeant à son abandon, à ce dénuement — que je ne pus maîtriser mes larmes.