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JOURNAL DES LIVRES
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Les lettres françaises dans la Belgique d’aujourd’hui, par Eugène Gilbert, Paris, Sansot.

Il ne faut pas lire en littérateur un critique. Ou bien c’est s’ennuyer à parcourir des listes, d’inévitables épithètes, qu’on connaît par cœur. Ou bien c’est s’énerver de s’y voir cité négligemment ou situé en compagnie de confrères obscurs ou méprisables. Critiquer un critique est besogne de sage, et je veux dire critiquer comme on le fait toujours quand on lit, spontanément, à chaque ligne, et si peu lettré que l’on soit. Tout lecteur est un critique. Plus on connaît la chose dont il est parlé, plus on y est intéressé, — plus il convient héroïquement, ou bonnassement, de se mettre dans la peau d’un neutre. Le tableau de M. Eugène Gilbert est d’une excellente honnêteté. J’entends par là que le peintre a donné à chacun des écrivains belges sa véritable physionomie, ou plutôt celle que chacun d’eux prétend avoir. Avec une bienveillance exquise, avec bonne volonté, le critique s’approche d’une œuvre, nous dit son genre, lui assigne place dans la littérature du pays, souligne ses qualités, effleure ses défauts… Seuls un homme de génie ou un crétin sont