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ANTÉE

de plus belle heure que celle qui sonne. Assez de nostalgies ou de regrets ; foin aussi des soufflets au présent donnés parce qu’on ne voit belle que la face inconnue des utopiques avenirs.

Phénomène extraordinaire, la vérité est sur la bouche des jeunes gens de dix-sept à vingt ans, êtres sans aucune sagesse, n’ayant encore jamais réfléchi. Ils serrent, rageusement, en riant, entre leurs bras forts, la Chair qui donne la plus intense sensation de la vie, et tandis que leur bouche en aspire le feu, ils pensent, comme on crie : « Voici la vérité ! ». De vérités il en est mille autres : tristesse, pensée, musique, haine ou amitié, tout ce qui est humain, tout ce qui est. Ennemis du temps, ressasseurs et hâbleurs, refroidis, racornis, dégoûtés, pâles égoïstes (nous parlerons ailleurs de ceux de belle couleur), autant d’ennemis de tous et de chacun, autant d’impedimenta. Les plus belles armées périssent par leurs bagages. Il n’en fallut que trois cent à Léonidas, qui avaient la foi… Vous, hommes, qui montez à la conquête du pain, de la terre et de l’esprit, raidis par le sang chaud et rouge, défendez votre bien le plus précieux : l’heure présente, que vous possédez, pour qui un jour vous serez zéro…, contre