demi-plein de vin blanc je couchai le vase opaque et voici que reposant sur mon verre lentement il mélangeait au vin son onde pure. Oui, voilà que cette lente et silencieuse transfusion avait lieu, d’un mince filet d’eau qui semblait immobile, au vin précieux. Les âmes des deux liquides se pénétraient, si douces, par une affinité telle, qu’à peine voyait-on au sein de mon verre un mouvement silencieux et central, un chatoiement de couleurs, par qui nulle paix, nul équilibre, n’étaient rompus.
Alors, en vérité, mon âme s’éleva, car je pensais à la bonté des liquides, et je pensais à cette puissance qui est en moi de découvrir la bonté de ce qui est, et j’eusse voulu que pour cette puissance l’on m’aimât.
Adam ! initié du malheur ! C’est un vin pur, c’est un vin fort, que tu boiras aujourd’hui ! Puissé-je, semblable à ces poissons qui, remontés des profondeurs marines aux énormes pressions, éclatent soudain aux courants plus libres, me défaire tout à l’heure dans l’excès d’une amère joie !