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LES ARTS ET LA VIE
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mes fils, je tâche de conserver l’amour de ma femme que j’aime, je soigne ma santé, je vaque à mes affaires avec courage et soin, de façon à pouvoir payer toujours quand on me présente une facture signée… Je suis propre par goût, et moral, ce qui est la même chose, et signifie que, férocement, je recherche pour moi le plus d’agrément possible et pour mes amis bien entendu, en faisant le moins possible de mal aux autres, et que je n’agis jamais contrairement à ce que je pense… Qu’exigez-vous encore de moi ?

— On ne saurait être plus orthodoxe ni meilleur fidèle. Je ne demande pas des hommes universels, pédants ou affolés, touche-à-tout. À chacun sa tâche. Que le cordonnier fasse des souliers et la cuisinière la soupe. Mais est-ce trop exiger qu’un peu d’intelligence, de con­viction et d’humanité ? Un bénédictin, certaine­ment, ne le sera jamais trop. Qu’il bouquine, qu’il potasse, qu’il pose des signets, qu’il dresse des listes. Pourvu que sa spécialité ne soit pas un mur l’empêchant de voir les autres hommes, ses pauvres contemporains, de porter un intérêt éclairé à la vie vivante. Ce moissonneur du passé, j’entends que ce soit à nos greniers qu’il apporte ses gerbes, dont nous profiterons. Il n’y a pas