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ADAM
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Buvons ! Ô vin, tu participes étrangement de l’ardeur solaire, car tu es l’âme subtile des raisins, et c’est sur eux que l’astre verse sa force avec le plus d’amour. L’homme que tu réchauffes accélère ses mouvements ; son imagination renouvelée lui fait embrasser l’univers sous un aspect virginal. Aussi veut-il tout posséder, et Dionysos, père des nobles danses, le considère avec sympathie.

La hardiesse sied aux héros : je veux que mon désir, comme les fleuves, aille croissant sans cesse jusqu’à la mort.

Buvons, et que mes veines tressaillent, et que mon sang dans ma tête frappe comme un marteau.

Buvons, et que pour moi ce marteau forge des passions fortes comme l’acier des armées.

Buvons, et que ma tête trop lourde vacille comme une flamme, et que pleine de vapeur, elle fume comme un encens vers les deux.

Et que les cieux me considèrent, et qu’ils s’émeuvent à mon aspect.

Et qu’une danse comme un aigle ivre s’empare de mon corps, et que la fuite éternelle de sa cadence me précipite à travers les nuits.

Et que je dérive sur mes pieds comme une belle femme trop pleine d’amour.