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ANTÉE

retomber sur tes quatre pattes. J’ai vidé, comme dit l’autre, le calice. Si au moins mon ivrognerie me servait à quelque chose… mais non, ma soif elle-même n’est pas calmée et je n’ai plus rien à boire. Malheureux ! le désir me tourmente, et si je buvais jusqu’à sa mort, il ne me resterait que le dégoût.

Je veux boire ! je veux me faire passer tant de vin dans le lampas, que mon ventre humide devienne comme la source continuelle de toutes les eaux du monde. Et mon corps comme une éponge imbibée sentira tellement le vin que les femmes diront : Allons respirer sa face pour que nous tombions ivres !

(Il cherche dans l'armoire et trouve
encore une bouteille.)

Och ! ça est une vraie distillerie, cette armoire !

(Il boit.)

’Core du Bourgongne !

(Il chancelle, puis se redresse.)

De vastes oscillations me parcourent : ainsi les océans insondables baignent la planète. Sèves ! humidité, va-et-vient, matrices de tous les rythmes ! Je m’élance les jambes en avant. Je suis le confluent essentiel de tous les fleuves.