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ANTÉE

Il la dissimula mal sans doute, car après avoir descendu gaîment l’avenue des Acacias, Nelly, comme ils traversaient la plaine de Lonchamp, changea de visage. Elle ne riait plus, elle se taisait, soucieuse. Jacques le vit : elle regrettait la liberté avec laquelle elle s’était gouvernée, elle était inquiète maintenant de ce qu’il allait penser d’elle. Elle le lui demanda. Il répondit qu’elle était une jeune fille charmante. Elle le regarda en hochant la tête ; puis elle ne parla plus et marcha près de lui en paraissant réfléchir. Ce silence et ce changement d’humeur, il se repro­chait de les avoir maladroitement provoqués ; il s’efforça de rassurer sa compagne en lui affirmant qu’il ne l’avait point du tout mal jugée, qu’il avait d’elle la meilleure opinion,... s’il avait paru un peu déconcerté, peut-être, c’est qu’il n’avait point su tout de suite envisager l’idée de la différence de la liberté américaine d’avec la réserve française... Il se demandait en lui-même pourquoi elle montrait un tel soin de ce qu’il pensait d’elle, et il ne savait s’empêcher de trouver là la marque d’un sentiment flatteur.

Ils arrivèrent à la nuit au Chalet du Cycle où ils prirent le thé. La salle était vide. Assis à une petite table d’acajou, Jacques servait Nelly, et, de temps en temps, lui pressait la main. Elle parlait de sa tante qui, comme toutes les vieilles personnes, était fort intéressée, et elle riait d’un tour qu’elle