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ANTÉE

d’une sentimentalité bien anglaise. Elle parlait. Elle racontait qu’elle avait été au couvent — elle était catholique — à Bruxelles, elle s’ennuyait beaucoup dans ce couvent, mais plusieurs jeunes filles américaines s’y trouvaient avec elles : elles enfermaient les sœurs qui les gardaient et elles s’échappaient. Elle lui dit qu’on l’appelait Nelly... Tantôt elle bavar­dait en français, tantôt en anglais ; elle disait mille choses dont elle riait, et qu’elle se refusait ensuite à traduire. La marche avait éveillé sa gaité, elle le taquinait. Tout à coup elle partait en courant et il fallait qu’il la poursuivit.

..S ’arrêtant de balancer la petite main, Jacques y avait posé ses lèvres, ce que Nelly avait supporté sans ombre de mécontentement. Il désira davantage. En traversant une avenue, il se dit, avec une légère anxiété : “ Décidément, quand nous serons en face, je l’embrasserai.. ”

Le trottoir atteint, sans délai, il la saisit par la taille, et voulut lui baiser les lèvres. Mais je ne sais quel faux mouvement il exécuta : son chapeau tomba. Elle se mit alors à rire aux éclats, ce qui permit à Jacques de demander sa revanche, laquelle fut accordée de bonne grâce, et même avec plus de naturel que n’en eût montré une jeune fille française... Non seulement Nelly ne le repoussait pas, mais en vérité elle partageait son plaisir.

La notion du flirt que possédait notre patineur s’ap­profondit. Il apprécia cette liberté et cette audace de fille Américaine.. Des baisers si achevés n’étaient point