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LA MAITRESSE AMÉRICAINE
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d’une vie secrète, incertaine, partant si peu au cou­rant du flirt que fut Jacques, il n’était point sans avoir compris que ce qui en fait précisément l’attirait c’est sa discrétion et sa convenance apparentes. Il savait que tout ce qu’une miss peut désirer, il lui est défendu de le laisser paraître : ce ne sera pas une faute de prendre plaisir à des caresses furtives et dissimulées, c’en serait une grosse d’avouer celui-ci et de reconnaître celles-là.

S’expliquant ainsi sa partenaire, Jacques restait toutefois taquiné par l’incertitude. Ce visage absolument calme ! Le sens de ses expressions lui échappait. Il continuait donc ses manœuvres ténébreuses, tout en patinant et en parlant avec innocence de la vie de Paris. Elle répondait sur le même ton en négligeant de s’émouvoir de ses hardiesses timides.

Bientôt cependant ils se fatiguèrent de la glace et d’avoir toujours sous les yeux ce même paysage immobile. Ils quittèrent leurs patins. Elle reprit son manchon qu’elle avait posé sur la rive, lui revêtit son pardessus, et ils gagnèrent les Acacias qui d’ailleurs se trouvaient déserts.

L’hiver, en temps sec, il est agréable d’avancer le long d’une allée bien nette, entre des buissons dépouillés d’un côté et de l’autre, un rigide aligne­ment d’arbres inanimés… Ils descendaient vers la Cascade. Jacques tenait la main de sa compagne et la balançait en marchant, trouvant ce geste puéril