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LES ARTS ET LA VIE
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but, ou du moins sur un sol quelconque. Et cette religion ci me parait, non seulement raisonnable, mais agréable et bienfaisante — et suffisamment vaste, ou élastique, pour contenir toutes les bonnes volontés. Croire en aujourd’hui, c’est mieux qu’une foi, c’est une sagesse. Reconnaître son destin. S’attacher à la réalité la plus certaine que nous possédions. (La voilà bien l’ivresse, tant désirée, de la certitude !) Accomplir sa tâche, posséder le passé, fomenter l’avenir. Mieux que vivre : intensément exister. Tout cela parce qu’on pense que l’heure où l’on respire est unique, aussi importante que toutes celles d’avant et d’après, et que c’est à soi que l’honneur est dévolu de la forger sur l’enclume, de la dire, de la peindre, — de l’être !

Il y a quelques années, de jeunes écrivains français, à deux desquels au moins nous devons des chefs-d’œuvre, prirent ce mot calme et fort : Aujourd’hui pour titre de leur association.

Ne fut-il pas aussi la devise d’Antée — je veux dire le héros qui, le premier, demanda à la terre et obtint d’elle la puissance de résister aux demi-dieux, ces fils de famille, que les dieux fournissaient de triomphes faciles ?

Celui qui, en ce Mai de l’an six, parlerait encore de tour d’ivoire nous paraîtrait une