Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
ANTÉE



LA MAITRESSE AMÉRICAINE



I



Les petits arbres nus aux branches fines tournant et se poursuivant, couraient autour de lui : Jacques patinait. Près d’un pont rustique, au confluent de trois ruisseaux, il rayait de courbes, de lacets et de boucles un carrefour de glace. Tantôt des rôdeurs qui passaient s’arrêtaient pour le regarder, tantôt il était seul glissant au milieu du silence, savourant sa solitude, et comme le roi agile et muet d’un froid domaine. Puis il se reposait ; debout, les bras croisés, il respirait l’air sec, se pénétrant du mystère propre à la mort qui émane des bois en décembre.

Il entendit un pas, entre les arbres nus, par le sentier, une jeune femme, des patins sous son bras, arrivait doucement. Elle avait l’air d’une étrangère. Un moment elle examina le patineur, puis s’éloigna, longeant le ruisseau, — puis s’arrêta encore. Alors tel qu’un oiseau qui du ciel instantanément s’abat, il fut soudain à son côté. Il offrit de lui mettre ses patins. Elle accepta en un français prononcé à l’anglaise et gagna un banc voisin. Jacques le genou en terre, comme